Un ferry, un rêve et mille couleurs : embarquez pour une journée aux Saintes
L’aurore effleure les flots d’un voile rosé quand le ferry quitte l’embarcadère de Trois-Rivières. En moins d’une heure, il nous emmène vers un archipel que l’on croit tout droit sorti du carnet de voyage d’un peintre impressionniste — Les Saintes. Deux îles principales, Terre-de-Haut et Terre-de-Bas, bijoutées de petites pointes rocheuses qui jouent avec l’horizon… Les Saintes ne promettent rien d’autre qu’une immersion absolue : entre traditions de pêche, maisons créoles aux couleurs pastel, balades suspendues entre ciel et mer, et effluves d’une cuisine ancrée dans les vents salés. Préparez-vous à vivre une journée inoubliable.
Arrivée à Terre-de-Haut : charme instantané
Dès les premiers pas sur le débarcadère de Terre-de-Haut, une douceur palpable vous enlace. Le village, pittoresque, semble sorti d’un roman de Joseph Zobel. Les cases colorées, les barques amarrées qui se balancent doucement, les ruelles ombragées où chantent les bougainvilliers — tout invite à la lenteur, à la contemplation. Ici, tout semble doucement suspendu dans le temps, sans que rien ne manque du présent.
Commencez par louer un scooter ou encore mieux, une petite voiture électrique. Silencieuse, elle vous permettra de glisser sur les routes sinueuses tout en respectant la quiétude du lieu. Car aux Saintes, on ne klaxonne pas : on sourit, on s’arrête, on discute… Et on respire. Grand dieu, qu’on y respire bien.
Matinée à flanc de colline : le Fort Napoléon et son jardin sec
Cap sur les hauteurs avec une montée qui fait battre le cœur un peu plus vite – de l’effort mais aussi de l’émotion. Le Fort Napoléon, gardien silencieux surplombant la baie, vous accueille avec son histoire mêlée de batailles navales et de rois déchus. Reconstruit au XIXe siècle sur les ruines d’un fort du XVIIe, il abrite aujourd’hui un musée captivant. On y découvre costumes d’époque, maquettes de navires, et témoignages d’une Guadeloupe coloniale en pleine mutation.
Mais le vrai spectacle se trouve à l’extérieur : un jardin sec parsemé de plantes succulentes, de figuiers maudits, d’agaves mordorés caressés par le mistral des tropiques. Des iguanes y jouent les sentinelles. Et puis, soudain, entre deux yuccas : une vue à couper le souffle sur la Baie des Saintes, classée parmi les plus belles du monde. Une aquarelle vivante où l’azur s’embrasse avec l’émeraude. Ramenez un silence intérieur en souvenir, il vous servira toute la vie.
Un bain divin à la plage de Pompierre
Après cette touche d’histoire, laissez votre corps se recréer. Direction la plage de Pompierre, joyau paisible lové derrière une cocoteraie. Son lagon est protégé par une barrière rocheuse, offrant des eaux calmes même aux jours venteux. Le sable y est doux, clair, parsemé d’ombres légères où les familles taignent leur temps de rires et de siestes.
Vous sentez cette odeur ? Celle des accras qui croustillent doucement sur une tôle, pas loin. Un petit cabanon sert aussi de jus locaux : goyave fraîche, maracudja envoûtant, ou encore gingembre-citron pour les plus intrépides. Le tout servi avec un sourire qui n’a besoin d’aucune monnaie d’échange.
Midi gourmand : saveurs des Saintes à la crique
Les Saintes ont leur savoir-vivre, et surtout leur savoir-manger. Il serait impardonnable de quitter l’île sans avoir goûté à la fameuse tourment d’amour – une pâtisserie moelleuse fourrée à la noix de coco, légende gourmande locale. Mais avant le dessert, offrez-vous la mer dans l’assiette. Rendez-vous chez un petit restaurateur en bord de crique, là où les pieds se posent tantôt sur le sable, tantôt sur les nattes tressées.
Le menu ? Frais, simple, divinement bon :
- Colombo de poisson au lait de coco
- Lambi grillé aux herbes créoles
- Chatrou (poulpe) mijoté sur fond de riz rouge et haricots rouges
En dessert, donc, la tourment d’amour. Goutez-la lentement. Elle parle le langage du cœur, vous verrez.
Le charme secret de la baie de Marigot
L’après-midi s’étire, comme un hamac entre deux filaos. Alors pourquoi ne pas se laisser glisser — littéralement — vers la baie de Marigot? Éloignée des foules, elle est une invitation au calme. Ses eaux sont parmi les plus limpides de l’île. Avec un masque et un tuba, vous explorez un monde parallèle : poissons perroquets chamarrés, oursins noirs comme l’ardoise, et coraux d’une fragilité saisissante. Cet endroit est d’une pureté telle qu’il désarçonne l’esprit.
Et si les journées pouvaient avoir des RALENTIS, c’est ici qu’il faudrait les placer.
Pêcheurs, voiles et tradition : l’authenticité marine des Saintes
Tout au long de la journée, vous croiserez ces figures qui font les Saintes : les pêcheurs à la peau burinée, aux gestes précis, à la voix chantante. Si vous avez de la chance (et un peu de tchatche), l’un d’eux vous parlera peut-être des Saintoises, ces embarcations typiques dont la coque fine fend la mer comme une plume sur le front d’un dormeur. En juillet, lors du Festival de la Saint-Pierre, elles s’affrontent dans des régates aussi musclées que festives. Un ballet maritime unique aux couleurs caraïbes !
Soleil couchant depuis la plage du Pain de Sucre
En fin de journée, ne cherchez pas la sortie. Cherchez le silence. Dirigez-vous vers la plage du Pain de Sucre. En contrebas d’un piton volcanique, cette crique miniature semble réservée aux initiés. Le soleil, en baissant la tête, y déplie ses plus beaux drapés dorés. Un dernier bain, une gorgée de rhum ambré glissée en douce, un regard sur les voiles rentrant au port… Et voilà le tableau d’une journée parfaite.
La mer devient miroir, le ciel une fresque. Vous êtes là, simple respiration dans l’éternité des îles. Aucun besoin d’attendre une autre vie pour connaître le paradis.
Petit conseil pour bien en profiter
Une journée aux Saintes se prépare comme une déclaration d’amour : un peu de planification, beaucoup de surprise. Voici quelques conseils pour l’apprécier pleinement :
- Réservez votre ferry à l’avance — Certains départs sont vite complets, surtout les week-ends.
- Apportez de l’espèce — nombre de petits commerces et restaurants n’acceptent pas la carte.
- N’oubliez pas eau, crème solaire et chapeau — le soleil ici ne plaisante pas, même sous les alizés.
- Gardez votre appareil photo – mais n’oubliez pas de créer aussi des souvenirs sans écran.
Un peu de magie à emporter
Quand le ferry vous ramène vers la Guadeloupe continentale, les voiles se replient à l’horizon, mais pas les souvenirs. Les Saintes s’inscrivent dans le cœur comme une chanson douce, dont les paroles s’effacent mais dont la mélodie vous suit longtemps. Une journée sur ces îles, c’est bien plus qu’un détour : c’est un retour à l’essentiel, un souffle porté par les embruns du passé et la lumière de l’instant présent.
Alors, prêt(e) à embarquer ?
